Au cours d’une année placée sous le signe de l’olympisme, le troisième rapport 2024 des Chiffres de la Crédibilité passe en revue les efforts mis en place pour combattre le dopage, à l’échelle mondiale. La question des moyens de la lutte invite également le MPCC à s’interroger, pour le cyclisme, sur l’état des lieux du niveau Continental.
Les souvenirs des Jeux de la XXXIIe Olympiade (olympiques et paralympiques) restent certainement vivaces dans le monde entier, et ce un mois après leur clôture. Des images fortes des cérémonies aux exploits individuels et collectifs en passant par l’abnégation des athlètes paralympiques, symbole d’un message d’espoir en cette période trouble, les JO de Paris 2024 ont rappelé que le sport diffuse de belles et grandes valeurs, universellement reconnues et partagées.
Nombre de ces valeurs sont promues par le MPCC, mouvement engagé et principal acteur de la lutte antidopage dans le cyclisme, pour l’équité des compétitions et la santé physique et mentale des coureurs. Il rappelle que le sport de haut niveau ne peut se dispenser de déployer des moyens conséquents pour combattre le dopage. A l’occasion des derniers Jeux olympiques, environ 6000 échantillons ont ainsi été prélevés sur 4150 athlètes, soit environ 40% du total des participants. De ces contrôles ne sont ressortis que six cas de résultat anormal, ayant rapidement abouti à des suspensions provisoires. Si ce nombre peut sembler dérisoire, les enquêteurs et personnels des laboratoires d’analyse doivent encore traiter des milliers de dossiers et il est probable que d’autres cas soient révélés dans les prochains mois.
En plus du travail des chaperons et des agents de contrôle, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a établi pendant les JO deux bureaux provisoires dans la capitale française. L’un d’entre eux était dédié à traiter rapidement les cas de dopage avérés. Une preuve supplémentaire qu’avec une volonté politique forte, des moyens importants et de l’intransigeance, la triche peut rester contenue. Néanmoins, l’année 2024 a été traversée par diverses affaires : celle des nageurs chinois, dont les contrôles positifs de 2021 auraient été camouflés par l’Agence mondiale antidopage (AMA), la réaction politique des Etats-Unis qui ont lancé une enquête fédérale sur cette affaire ou encore la suspension de certains agences nationales, les pays visés peinant à mettre en conformité leur législation avec le Code mondial.
LE CAS DU TENNISMAN JANNIK SINNER INTERROGE
Ces dernières semaines ont surtout été marquées par l’annonce du contrôle positif de l’une des stars du tennis, Jannik Sinner, n°1 mondial et vainqueur de deux tournois du Grand Chelem. L’Italien, positif au clostébol (stéroïde anabolisant), a plaidé la contamination par un spray et finalement convaincu l’ITIA, l’instance régissant l’intégrité dans le tennis au niveau mondial, et un tribunal indépendant de sa bonne foi. Si l’affaire a fait beaucoup de remous sur tous les courts de la planète, l’AMA n’a pas tardé à répondre en déposant un recours auprès du TAS le 26 septembre dernier.
Enfin, le climat tendu sur le front de l’antidopage ne pouvait être illustré sans ce changement important, en cours, sur le front politique. Le MPCC s’était déjà fait l’écho de la situation toute particulière du Kenya, volontariste dans la lutte après avoir évité de peu une exclusion de plusieurs compétitions internationales. Le pays s’était doté en 2016 d’une agence nationale, l’ADAK, et depuis 2013 d’un arsenal législatif strict. Alors qu’elle pouvait compter sur un budget substantiel d’environ 5 millions de dollars en 2022, son avenir est désormais en sursis selon son président. L’agence n’aurait reçu que 150 000 dollars pour l’exercice 2024-2025 et se voit donc dans la quasi-impossibilité de remplir sa mission : rémunérer son personnel, se rendre sur site pour effectuer des prélèvements et envoyer les échantillons, dont le coût d’expédition est jugé exorbitant, vers des laboratoires accrédités. Au moment de la rédaction de ces lignes, le chef du bureau africain de l’AMA venait de rencontrer le secrétaire d’Etat aux Sports pour évoquer ce sujet hautement sensible et important pour l’avenir du sport kenyan.
LE PASSEPORT BIOLOGIQUE A L’OEUVRE
Par ces Chiffres de la Crédibilité, le MPCC souhaite donc principalement mettre en perspective la position du cyclisme, jugé un temps parent pauvre de la lutte antidopage, par rapport aux autres sports. Il n’est que le dixième le plus touché après les neuf premiers mois de l’année, selon les cas révélés par la presse et les agences nationales antidopage, loin derrière l’athlétisme (140 cas recensés à travers le monde), le rugby (23) ou encore le MMA (20), dont la tendance à la hausse est à signaler. Au 30 septembre, 15 cas de dopage venant de différentes disciplines (route, BMX, piste, para-cyclisme) ont été rendus publics. Ce chiffre reste dans la tendance récente d’une vingtaine de cas annuels relevés et conforme au constat fait lors de notre premier rapport sur les suspensions en cours chez les professionnels.
PROTEGER LES EQUIPES CONTINENTALES
L’actualité est également venue percuter nos publications puisque deux coureurs portugais évoluant au niveau Continental ont été pris en défaut par leur passeport biologique, une résultante d’un virage plus répressif entrepris par la Fédération portugaise et l’Adop (Autorité antidopage du Portugal) pour étendre ce suivi à tous les coureurs nationaux évoluant au troisième échelon mondial, soit environ 80 coureurs représentant 9 équipes en 2024. Cette affaire rappelle l’importance d’être proactif dans le combat contre la triche, passant par toujours plus de moyens financiers donnés aux agences nationales et aux laboratoires antidopage, par un esprit collaboratif entre les différents acteurs du sport qu’ils soient institutionnels ou politiques, par une responsabilisation des premiers protagonistes : les athlètes eux-mêmes.
Le MPCC renouvelle donc son appel à toutes les formations du World Tour, féminin et masculin, qui ne sont pas encore membres à venir nous rejoindre pour être actrices de la lutte contre le dopage, la crédibilité de notre sport devant être consolidée par une plus grande participation des parties prenantes. Nous encourageons encore plus les équipes de niveau Continental à s’engager, malgré leur exposition médiatique moindre et les défis qui se posent à elles à travers les différents calendriers continentaux. Un nombre bien plus conséquent d’équipes membres du troisième niveau mondial aiderait à faire émerger certaines problématiques et à éloigner coureurs et managers de la tentation du dopage. C’est en restant acteur que le combat sera gagné.