Le Mouvement Pour un Cyclisme Crédible (MPCC) a reçu vendredi 26 octobre, 33 heures après avoir adressé une lettre ouverte au Président de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA), une réponse de celui-ci par voie de courriel. Voici notre réponse à Sir Craig Reedie.
Cher Sir Craig Reedie,
Le mouvement, vous remercie d’avoir formulé une réponse détaillée à sa lettre ouverte dans un délai si court : cela montre que le MPCC est considéré comme un acteur de la lutte antidopage qui mérite, de la part de l’AMA, considération et attention.
Le Conseil d’Administration prend toutefois note du contenu de la lettre de votre réponse et ne s’en contente pas, malgré la satisfaction que vous affichez sur toutes les problématiques soulevées.
Sur la question du tramadol et des corticoïdes
Vous déclarez qu’il « n’existe pas de consensus au sein du Groupe d’experts Liste quant à la question de savoir si (la substance) répond aux critères d’inscription sur la Liste » et que « le Groupe d’experts continuera d’évaluer le tramadol et la classe de celui-ci à mesure que de nouvelles études seront disponibles. » Depuis que les médecins d’équipes membres du MPCC se sont engagés à ne pas prescrire de tramadol à leurs coureurs en 2013, et que le mouvement a dès lors formulé des demandes répétées à l’AMA pour que la substance soit interdite en compétition, celle-ci continue de faire l’objet d’un monitoring année après année, ce qui est une mesure de facilité.
Le MPCC attend des experts de l’AMA qu’ils aient le courage de prendre une décision sur l’interdiction ou non d’un médicament dont l’usage inquiète fortement les professionnels du cyclisme, représentés majoritairement au sein du MPCC. Ils attendent de savoir si le tramadol doit être autorisé et pour quelles raisons, ou s’il doit être interdit et pour quelles raisons.
Vous dites « soutenir l’initiative » de l’Union Cycliste Internationale (UCI) visant à contrôler l’usage du tramadol « principalement pour des raisons de santé » : si cette initiative doit être soutenue par l’AMA, alors il existe bien une problématique importante liée à ce médicament. Le MPCC ne se lassera pas de réclamer une issue rapide à cette situation qui met en danger la santé des athlètes et mérite un traitement beaucoup plus rapide et efficace qu’un simple monitoring défendu par les « experts » de l’AMA.
Vous ajoutez « suivre également de près les recherches scientifiques sur les corticoïdes » et être « en contact permanent avec l’UCI à ce sujet ». Le MPCC, depuis sa création en 2007, appelle à la mise en place d’une réglementation sur les corticoïdes. La volonté de l’UCI d’y parvenir est une avancée remarquable, qui doit maintenant ouvrir la voie à des actions concrètes. Le MPCC espère que les « contacts permanents » de l’AMA avec l’UCI à ce sujet permettront d’accélérer le processus et non de le ralentir.
Le MPCC rappelle combien l’utilisation du tramadol et des corticoïdes est une source d’importantes préoccupations pour les acteurs du sport cycliste et considère que cette problématique qui concerne tant la santé que l’amélioration des performances est majeure dans la lutte antidopage et ne se limite pas au cadre du seul sport cycliste.
Sur la question de l’Opération Puerto
Vous considérez que la position des membres du MPCC, qui représentent plus de la moitié des équipes cyclistes de première et deuxième division, « trahit un cruel manque de connaissance et de compréhension de ce qui s’est réellement passé jusqu’à ce jour. »
Le MPCC ne fait que témoigner des impacts extrêmement négatifs subis par la gestion de l’affaire en terme d’image pour le sport en général. Le MPCC se questionne sur le manque de connaissance du terrain que pourrait déplorer l’AMA sur ce que le cyclisme en particulier vit depuis 2006, à cause de son incapacité à conclure ce que vous décrivez comme un « épisode regrettable. » Ce n’est pas un épisode, cela dure depuis 12 ans.
Le MPCC ne comprend pas que l’AMA, dont les missions pour lesquelles elle est mandatée sont très claires, réponde au MPCC qu’elle a « fait tout ce qui est en son pouvoir (…) pour assurer que justice soit rendue aux athlètes propres. » L’AMA pense-t-elle que les athlètes propres que le MPCC représente au sein du sport cycliste, mais aussi tous ceux, nombreux, qui font partie d’équipes non-membres de notre mouvement, estiment que justice a été rendue ?
Une réponse de votre part admettant que la gestion de l’Opération Puerto n’a pas été à 100% positive aurait été beaucoup plus représentative de la terrible réalité. Il n’est pas acceptable d’exprimer sa satisfaction sur ce sujet et de renvoyer un interlocuteur comme le MPCC à un prétendu « manque de connaissances et de compréhension » sur le sujet.
Sur la question de la Russie
Le MPCC entend bien qu’une décision démocratique a été prise par le Conseil éxécutif de l’AMA puisque c’est un vote qui a engendré la décision de rétablir la conformité de l’Agence antidopage russe (RUSADA). Il existe en revanche une très grande contradiction dans le fait de déclarer que « l’AMA s’attache désormais à finaliser le processus d’accès à toutes les données du laboratoire de Moscou, pièce manquante du puzzle, d’ici à la fin de l’année. » Vous admettez ouvertement que le puzzle est « incomplet », or l’accès à toutes ces données devait être un critère préalable au fait de rétablir la conformité de RUSADA.
Vous annoncez que ces données doivent être obtenues « d’ici à la fin de l’année. » Si l’AMA échoue à remplir cet objectif, le MPCC veut que l’AMA tienne cet engagement que vous avez formulé dans votre réponse à notre lettre ouverte, d’à nouveau « déclarer RUSADA non-conforme. » La fin de l’année, c’est dans deux mois : le monde du sport sera très vite fixé sur votre capacité ou non de tenir cet engagement formel.
Le MPCC se satisfait par ailleurs d’avoir appris, ce 29 Octobre, que les dirigeants de 18 organisations antidopage nationales (ONAD) ont publiquement condamné la décision de l’AMA de réintégrer RUSADA. A ces 18 organisations antidopage nationales, Sir Craig Reedie, répondez-vous également que vous restez « fermement convaincus que cette décision était la bonne pour le sport propre et que, grâce à cela, l’AMA se trouve désormais dans une position plus robuste » ?
Sur la question de l’indépendance de l’AMA
Le MPCC prend note de vos réponses mais relève également que vous expliquez que « l’AMA a mis en place l’an dernier un Groupe de travail sur les questions de Gouvernance. » Vous précisez que « les propositions du Groupe de travail comprennent notamment la présence de membres indépendants au sein (du) Comité exécutif, l’indépendance des positions de Président et Vice-président de l’Agence, et bien d’autres mesures. » Vous ajoutez : « Ce processus démontre clairement la volonté de l’AMA de s’adapter et de s’assurer qu’elle dispose de la meilleure structure de Gouvernance pour les années à venir.«
Cela est bien la preuve que la question de l’indépendance de l’AMA est un sujet important, sinon vous n’auriez pas mis en place ce Groupe de travail. Le MPCC est donc légitime à être préoccupé par la capacité de l’AMA à démontrer qu’elle agit en toute indépendance malgré la composition de son financement.
Les 18 organisations antidopage nationales s’exprimant dans leur communiqué de presse du 29 Octobre ont également pris position sur ce sujet. Elles ont publiquement exprimé leur soutien aux acteurs du sport qui réclament une refonte de l’AMA, expliquant notamment vouloir « que le Président et le Vice-président de l’AMA n’aient aucune affiliation avec des gouvernements ou des organisations sportives internationales, dont le CIO.«
Sur la question de la gestion du contrôle anormal de Christopher Froome
Notre mouvement répète ce qu’il a exprimé dans sa lettre ouverte du 24 Octobre : « Le MPCC regrette le fait que les sanctions et les procédures ne soient pas appliquées de la même manière pour tous, ce qui est dévastateur pour la crédibilité du sport, pour l’AMA elle-même, pour son indépendance et son intégrité mais aussi pour la confiance que portent les athlètes envers l’Agence Mondial Antidopage (AMA). »
A quelle limite vos experts fixent-ils la réglementation actuelle sur le salbutamol : 1000, 1600 ou 2000 ng/ml ?
Il est question ici de crédibilité et d’image. Il est question de réussir à remplir une mission majeure qui est de ne pas alimenter les suspicions autour d’un cas très médiatique.
Votre évocation du fait d’avoir « remporté une victoire importante pour le cyclisme propre en obtenant une suspension étendue pour trois des plus célèbres tricheurs de (notre) sport » le jour même où le MPCC a envoyé sa lettre ouverte à l’AMA ne peut être en aucun cas opposé à la problématique de la gestion du contrôle anormal de Christopher Froome. Ce sont deux dossiers différents : le MPCC ne comprend pas pourquoi vous jugez opportun de les associer dans sa réponse à notre lettre ouverte.
En conclusion, le MPCC adresse à l’AMA ainsi qu’à vous, Sir Craig Reedie, son Président, plusieurs questions :
Une majorité des grandes victoires de la lutte antidopage depuis 1999, année de création de l’Agence Mondiale Antidopage, ont été initiées par des enquêtes de police, des investigations journalistiques, des témoignages de sportifs.
Quel serait notre sport mondial s’il n’y avait pas eu les témoignages de Floyd Landis et de Tyler Hamilton à l’encontre du dopage organisé au sein de l’équipe US Postal ?
Quel serait notre sport mondial s’il n’y avait pas eu les dénonciations de Trevor Graham pour révéler l’Affaire Balco ?
Quel serait notre sport mondial si la police espagnole n’avait pas en 2006 lancé une grande opération contre le dopage et rebondi aux accusations dans la presse de l’ancien coureur Jesus Manzano, pour ainsi ouvrir l’Opération Puerto ?
Quel serait notre sport mondial sans le travail des journalistes allemands dans l’affaire de dopage insitutionalisé au sein du sport russe ?
Quels seraient les palmarès aujourd’hui ? La mission première de l’AMA est de défendre les athlètes propres.
Dans l’attente de votre réponse, et au nom de notre Conseil d’Administration, croyez, Monsieur le Président, cher Sir Craig Reedie, à l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Lire la lettre ouverte du MPCC à l’AMA
Lire la réponse de Sir Craig Reedie
510 Adhérents au MPCC :
7 équipes World Tour – 23 équipes Pro-continentales – 9 équipes continentales – 6 équipes féminines UCI – 289 coureurs professionnels – 129 personnels encadrants – 6 agents sportifs – 9 fédérations nationales – 9 organisateurs – 9 sponsors du cyclisme – 14 sympathisants.